(Cécile Dejoux, Cnam)
Innov’Acteurs organisait jeudi 24 juin, à distance, la 6ème édition de son Carrefour de l’innovation participative. L’occasion pour l’universitaire experte en intelligence artificielle, Cécile Dejoux, de revenir sur les innovations managériales en période post-Covid.
Par Nicolas Deguerry - Le 30 juin 2021.
Spécialiste du management[ 1 ] créatrice de Moocs et experte en intelligence artificielle[ 4 ], Cécile Dejoux a partagé en ouverture de la 6ème édition du Carrefour de l’innovation participative la synthèse des observations de son Learning Lab – Human Change, dédié à l’étude du volet humain de la transformation numérique. Des travaux qui permettent de spécifier les nouvelles postures managériales et compétences afférentes à l’ère du «nouveau normal » post-Covid, caractérisé par « l’incertitude, le paradoxe et l’accélération ».
Agilité
Et si c’était le retour des grands explorateurs ? À la faveur de la transformation numérique, de l’intelligence artificielle et des pandémies présentes et à venir, ce sont bien les qualités des découvreurs qu’évoque Cécile Dejoux pour camper le manager des temps modernes. Premièrement, le nouveau manager n’a pas besoin d’une carte d’état-major pour avancer : « Il navigue à la pagaie » ; et non, il ne change pas d’avis mais « pivote » en fonction du temps présent, à rebours de toute planification qui l’empêcherait de saisir les opportunités. Ce manager-pilote signe aussi le retour du collaborateur, sur lequel il s’appuie pour développer ses objectifs stratégiques : « D’abord qui ; après quoi », résume Cécile Dejoux. Le temps présent, c’est aussi la technologie numérique. Christophe Colomb avait la Caravelle et l’Astrolabe, le manager 4.0 « modélise » à grands renforts de datas et d’intelligence artificielle.
Enfin, le manager post-Covid est un être hybride, du genre « phygital [ 2 ]», qui sait réunir et combiner le meilleur du distanciel et du présentiel.
Quatre blocs de compétences
Selon l’universitaire, la capacité d’innovation du manager et de ses collaborateurs repose sur quatre blocs de compétences à développer. Le premier est lié aux « compétences de transformation » : « savoir travailler en mode agile, avec le design thinking et l’intelligence collective» [ 3 ].
Le deuxième bloc suppose de ne pas considérer « l’IA-compatibilité » comme une option, mais comme un impératif, qui peut s’acquérir avec le Mooc « L’intelligence artificielle pour tous ! ». Les compétences pour travailler en mode hybride forment le troisième bloc. Il s’agit de « réinventer la collaboration » avec les avantages du présentiel et du distanciel, explique Cécile Dejoux : « En présentiel, on gère les crises, on trouve de nouvelles idées, on active le réseau et, surtout, on initie de nouveaux projets ; à distance, on va vite sur les process, on a des réunions rapides et productives et l’on peut engager des personnes à l’autre bout du monde.» Iconoclaste, le dernier bloc appelle à développer les « compétences de centrage » : « Arrêtez de penser soft skills ! Les soft skills n’ont plus leur place dans le monde post-Covid », estime Cécile Dejoux.
Les compétences de « centrage »
Cinq principes structurent les compétences de centrage. Le premier implique de « reprendre le pouvoir sur son temps », le second amène à « prioriser » et le troisième s’intéresse à la « mémoire ». Ceci, « parce que l’IA et le numérique nous enlèvent notre mémoire et qu’il importe de continuer à la cultiver pour être capable de réfléchir », souligne Cécile Dejoux. Enfin, « l’attention » fonde le quatrième principe, suivi par « l’énergie », cinquième et dernier principe : il s’agit là de considérer « ce qui nous donne et permet de donner aux autres de l’énergie », conclut Cécile Dejoux.
Notes
1. Cécile Dejoux est professeure des universités au Cnam, responsable nationale de la filière RH, du master GRH et transformation numérique, et professeure affiliée à l’ESCP Business School.
2. Néologisme forgé par la contraction des termes physique et digital. Sert à mettre en avant une nouvelle réalité qui est moins la superposition de mondes parallèles que l’imbrication du physique et du virtuel.
3. Cécile Dejoux renvoie au Mooc Du Manager au leader : devenir agile et collaboratif.
4. Membre du Conseil d’éthique de la data et de l’IA, Cécile Dejoux a récemment publié Ce sera l’IA ou/et moi – Comprendre l’intelligence artificielle pour ne plus en avoir peur (Vuibert, 2020).